Le 13 juillet dernier, le président-directeur général de Liv-ex, James Miles, a témoigné dans une enquête menée par le gouvernement britannique au sujet de l’impact potentiel de la reconduction, après la période de transition liée au Brexit, des règlements européens actuels en ce qui concerne le document d’importation exigé pour le vin (connu sous le nom de document VI-1). Vous pouvez lire ci-dessous le témoignage fourni par James Miles.
L’enquête a été conduite par le WSAPG (Wine & Spirit All Party Parliamentary Group, ou Groupe parlementaire multipartite traitant des vins et spiritueux) afin d’examiner l’objectif du document, la manière dont les règles actuelles fonctionnent en pratique, les implications de l’introduction de cette exigence et les améliorations et/ou changements qui pourraient être apportés pour encourager à l’avenir les échanges commerciaux.
Le WSAPG prévoit de recueillir des témoignages écrits et oraux de toutes les parties prenantes ayant des intérêts ou une expérience dans l’industrie vinicole et pouvant apporter une contribution constructive à l’enquête. Si vous souhaitez soumettre un témoignage, renseignez-vous sur le site de la WSTA en cliquant ici.
Avec plus de 475 membres dans le monde, Liv-ex est une bourse d’échange mondiale dédiée au commerce du vin. Liv-ex propose des services en matière de commercialisation, d’analyses des données, de logistique et de technologies d’automatisation à un groupe diversifié d’entreprises vinicoles – des startups ambitieuses jusqu’aux marchands établis.
Avec l’aide de ses membres, Liv-ex poursuit son obsession qui consiste à rendre le marché du vin plus transparent, plus efficace et plus sûr en supprimant les obstacles au commerce.
Pour plus d’informations sur ce que fait Liv-ex, cliquez ici. Pour en savoir plus sur le travail que Liv-ex effectue en coulisses, les membres de Liv-ex peuvent contacter leurs gestionnaires de compte, ou prendre contact avec nous ici.
Témoignage fourni par James Miles pour le compte de Liv-ex :
Veuillez indiquer votre nom et l’entreprise que vous représentez, puis présenter succinctement votre entreprise en précisant la façon dont elle est concernée par cette enquête
Je m’appelle James Miles. Je suis le président-directeur général de Liv-ex. Liv-ex est une bourse d’échanges mondiale dédiée aux marchands de vins fins. Nos clients sont répartis dans 42 pays. 70 % des vins que nous vendons sont destinés à l’exportation. Le vin européen représente 94 % de nos ventes et environ 50 % de notre approvisionnement provient de l’UE. Nous vendons du vin anglais mais très rarement, puisque près de 100 % des vins que nous commercialisons sont produits à l’étranger.
Je suis ici pour représenter les acteurs britanniques du commerce des grands vins. Le Royaume-Uni compte parmi les meilleures nations au monde dans le domaine du négoce et de la vente de vins fins. C’est effectivement un domaine dans lequel notre pays est compétitif au niveau mondial. Les raisons de cet état de fait sont notamment : un marché intérieur très dynamique, des relations à long terme avec les régions productrices de vin depuis plusieurs centaines d’années, une structure réglementaire légère (construite autour de notre système d’entrepôts douaniers), notre position au centre des fuseaux horaires mondiaux, la langue anglaise, des capacités de logistique/d’entreposage parmi les plus importantes au monde et une éducation, des publications, des journalistes et des critiques en vin de premier plan au niveau mondial contribuant à faire de notre pays la nation acheteuse de vin la mieux informée au monde.
En bref, le Royaume-Uni est très bon pour promouvoir, distribuer et commercialiser le vin des autres pays, pas seulement à l’intérieur de ses propres frontières, mais partout dans le monde. Le marché des grands vins représente 5 milliards de livres sterling par an et le Royaume-Uni est le premier acteur de ce commerce.
Quel est l’impact attendu des documents VI-1 sur votre activité s’ils sont introduits à partir du 1er janvier 2021 ?
Le déploiement du document VI-1 conformément aux règlements de l’UE crée une crise existentielle pour le commerce des vins fins dans ce pays. La mise en conformité aura un coût prohibitif, en plus d’être irréalisable et franchement inutile. Cela ne peut être que mauvais pour les affaires.
Contrairement au vin de tous les jours, le grand vin n’est pas un bien de consommation courante. Alors que les vins de tous les jours sont généralement consommés dans les 18 mois suivant leur production, les grands vins ne sont souvent pas consommés avant 10, 20 ans ou plus. Cela rend la chaîne d’approvisionnement longue, complexe et extrêmement fragmentée.
Les grands vins sont généralement produits en petites quantités, leur prix est élevé et ils font l’objet d’un commerce actif sur le marché secondaire, tant entre marchands qu’entre marchands et clients.
Comme pour beaucoup d’entreprises du secteur, toute l’activité de Liv-ex a lieu sur le marché secondaire. Nous ne commerçons pas avec les producteurs, mais avec les marchands et d’autres intermédiaires. Nous avons des centaines de fournisseurs (pour la plupart basés au Royaume-Uni et dans l’UE) qui vendent des milliers de produits en petites quantités. Liv-ex propose environ 15 000 produits sur sa plateforme. La plus grande partie de nos ventes concerne de petites quantités, les transactions ne dépassant pas le plus souvent quelques dizaines de bouteilles de valeur relativement élevée. Nous effectuons chaque année des dizaines de milliers de transactions d’une valeur moyenne d’environ 2 000 livres sterling chacune.
Le document VI-1 exige de nos fournisseurs européens qu’ils prélèvent une bouteille lors de chacune de ces transactions, l’envoient à un laboratoire, la fassent certifier par un organisme officiel (aucun n’ayant encore été identifié). La WSTA estime que cela coûtera 300 livres sterling par opération – mais cela n’inclut pas le coût de la bouteille échantillon qui, en ce qui concerne les opérations de Liv-ex, se chiffre régulièrement en centaines, voire en milliers de livres sterling. En supposant que nous continuons à fonctionner comme nous le faisons aujourd’hui, avec un coût supplémentaire moyen de 400 £ par transaction, la mise en conformité coûterait 6 M£ à Liv-ex (soit 10 % de son chiffre d’affaires !). Cela entraînerait évidemment des pertes énormes. Il n’y a aucune chance de persuader nos fournisseurs de prendre en charge une partie de ces coûts. Ils iront tout simplement vendre leurs vins ailleurs.
En tant qu’entreprise, nous n’aurons donc pas d’autre choix que de déménager à l’étranger, ce qui aura un impact sur l’emploi au Royaume-Uni. Lorsque nous aurons à expédier des marchandises au Royaume-Uni, nous utiliserons l’exemption de 100 litres. Cela sera moins coûteux que l’obtention d’un document VI-1, mais augmentera considérablement nos coûts logistiques et notre empreinte carbone. Nous estimons que nos coûts, qui sont d’environ 5 £ par caisse aujourd’hui, passeront à 75 £ par caisse (dans certains cas). Nous devrons en effet répartir les envois dans des lots de taille moins optimale, ce qui augmentera les coûts de transport, de main-d’œuvre et d’administration.
Comment cela affectera-t-il les consommateurs ?
Cela va gravement réduire la concurrence et le choix offert aux consommateurs et entraînera l’augmentation des prix. Le Royaume-Uni est réputé pour la diversité et la compétitivité de son marché intérieur. Le document VI-1 met cela en péril.
Travaillez-vous actuellement avec des formulaires VI-1 ? Vous sentez-vous prêt à leur introduction pour les importations en provenance de l’UE ?
Non. Les vins de l’UE représentent 94 % de notre activité. Pour les petites quantités de vin non européen que nous approvisionnons depuis l’extérieur de l’UE, nous avons tendance à importer en vertu de l’exemption de 100 litres. La suppression du document VI-1 permettrait de s’ouvrir davantage aux marchés non européens. En d’autres termes, ce serait un gain net facile pour les acteurs du commerce des vins au Royaume-Uni.
Si l’UE n’est pas prête à produire des documents VI-1, que se passera-t-il ? Pourriez-vous remplacer votre marchandise par du vin provenant de pays tiers ?
Non. Les vins européens en provenance de France, d’Italie, d’Espagne, du Portugal et d’Allemagne représentent 94 % de l’activité sur le marché des grands vins. Il y a bien quelques grands vins produits dans des pays tiers, mais ce marché est minuscule par rapport aux vins de l’UE.
Pensez-vous que les entreprises au sein de votre chaîne d’approvisionnement pourront produire des documents VI-1 si ceux-ci sont exigés à la fin de la période de transition ?
Non. Je pense avoir montré qu’il ne sera pratique pour personne de se conformer à cette exigence. Actuellement, on ne sait pas quel sera le processus mis en œuvre, quels laboratoires seront autorisés à effectuer le travail, qui va les y autoriser, ni même comment et par qui les formulaires papier vont être traités (sans parler de l’importante force douanière qu’il faudra pour faire respecter la conformité).
Quelles mesures pensez-vous que le gouvernement devrait prendre pour atténuer l’impact des documents VI-1 ? Si le gouvernement britannique décide que les documents VI-1 ne sont pas adaptés, quel système, s’il en fallait un, préconiseriez-vous en remplacement ?
Les arguments en faveur de la suppression des documents VI-1 sont écrasants :
- Le document VI-1, déployé dans le cadre des règlements européens, est manifestement anticoncurrentiel et protectionniste. Il est conçu pour servir les intérêts des principaux pays producteurs de vin de l’UE.
- Il ne sert pas les intérêts du Royaume-Uni, qui importe près de 100 % de son vin et qui est le plus grand importateur net de vin au monde.
- Les documents VI-1 n’ont aucune utilité pratique sur le marché britannique – aucune exigence en matière de santé publique, de douanes ou d’accises y étant associée. Notre industrie est déjà très réglementée, et ces exigences sont satisfaites par d’autres moyens.
- Aucune autre grande nation ou aucun bloc commercial en dehors de l’UE ne dispose d’un document d’importation avec de telles exigences.
- Dans l’UE, aucune autre boisson alcoolisée que le vin n’a d’équivalent au document VI-1.
- Actuellement, on est en droit de se demander si le pays dispose de suffisamment de douaniers pour vérifier les plus de 600 000 formulaires papier supplémentaires. Quels laboratoires vont être autorisés à effectuer les contrôles, ou qui va certifier ces mêmes laboratoires, sont également des questions en suspens.
- La suppression des documents VI-1, comme un obstacle de moins à toutes les importations de vin (y compris celles en provenance de pays tiers), entraînerait un gain net pour les acteurs du marché au Royaume-Uni, ainsi que pour les consommateurs de vin britanniques, en faisant baisser les prix et en laissant la place à un plus large choix.
- Politiquement, quitter l’UE n’a aucun sens si c’est pour imposer des réglementations protectionnistes à nos propres entreprises et rendre les acteurs britanniques moins compétitifs alors qu’ils forment un pôle mondial dans le commerce du vin. Cela revient non pas à « reprendre le contrôle », mais à se tirer une balle dans le pied.
- La suppression du document VI-1 ne fait l’objet d’aucun accord commercial avec un quelconque pays ou bloc commercial, y compris l’UE. Il est de notre ressort de nous en débarrasser. Nous ne devons pas tergiverser.
Notre vision pour le commerce des grands vins après le Brexit consiste à renforcer notre position de pôle mondial en remodelant au mieux notre politique commerciale. Pour cela, nous suggérons de :
- Supprimer les droits de douane/les quotas
- Réduire la complexité des règles d’importation/exportation – se débarrasser des documents VI-1
- Baser les opérations sur la reconnaissance mutuelle de normes/adhérer au WWTG (World Wine Trade Group)
- Mettre en œuvre des moyens numériques de mise en conformité vis-à-vis des règlements en ce qui concerne le paiement des droits, etc. – pas de formulaires papier
- Obtenir le soutien du gouvernement pour promouvoir le Royaume-Uni en tant que pôle mondial des vins et spiritueux